ÉTUDE. Voilà un pays qui possède d’incontestables atouts naturels pour être une destination de choix et pourtant… Tour d’horizon d’un secteur qui ne demande qu’à être réveillé.
Un littoral de plus de 1 600 kilomètres, une cité antique (Djemila) dans les Hauts Plateaux à Sétif, un époustouflant canyon (Ghoufi) dans les Aurès, des ksours dans la Vallée du M’zab, le majestueux mont d’Assekrem à Tamanrasset, les gravures rupestres (Tassili n’Ajjer) à Djanet dans le grand sud… À première vue, l’Algérie dispose de richesses inestimables qui peuvent séduire les touristes du monde entier. Pourtant, ces derniers ne se bousculent pas pour visiter le pays. Les quelques chiffres annoncés de temps à autre par les cadres du secteur donnent une idée de l’ampleur du retard accusé dans le développement de cette activité.
Pas plus de 3 000 touristes par an depuis vingt ans…
En 2017, les recettes liées au tourisme en Algérie ont été estimées à 300 millions de dollars, soit 1,4 % du PIB. Le nombre des étrangers venus visiter le pays durant la même année ? « Le ministère du Tourisme se complaît à déclarer des statistiques sur la base des données prélevées sur les fiches de police des entrées aux frontières. Il annonce ainsi entre deux millions trois cent mille à deux millions sept cent mille touristes par an », indique Saïd Boukhelifa, président du Syndicat national des agences de voyages et expert en tourisme. Ce chiffre inclut plus d’un million de nationaux résidant à l’étranger « qui reviennent en Algérie pour des visites familiales » et d’autres travailleurs étrangers, selon notre interlocuteur. « Même des exilés syriens sont comptabilisés. En même temps, nous n’avons pas les statistiques des étrangers résidents et non-résidents en Algérie par hôtel ou par région », regrette-t-il. En 2018, le nombre de touristes venus en Algérie à travers des agences de voyages, n’a pas dépassé les 2 000, selon cet expert. « En fait, le nombre de touristes n’a pas dépassé les 3 000 par an au cours des vingt dernières années », poursuit Said Boukhelifa qui prépare un ouvrage sur l’histoire du tourisme algérien de 1962 à 2018.
malgré la réaffirmation régulière d’une volonté de changer les choses
Depuis au moins quatre ans, les responsables qui se sont succédé à la tête du ministère du Tourisme ne cessent de réaffirmer la volonté des pouvoirs publics de relancer le secteur pour le développement et la diversification d’une économie trop dépendante des hydrocarbures. Abdelkader Benmessaoud s’est prêté à cet exercice le 17 octobre dernier lors de la 19e édition du Salon international du tourisme et des voyages (Sitev). Le ministre a ainsi appelé « au renforcement et à la promotion de l’Algérie comme destination touristique à travers la diversification des programmes et l’organisation des voyages d’exploration aux différentes régions du pays ».
Mais, dans le secteur, les professionnels croient de moins en moins à ce genre de discours. Ils ne voient pas une véritable prise de conscience.
« C’est qu’il n’y en a pas », indique le président du syndicat national des agences de voyages. « Il y a cinq ans de cela, le président Bouteflika donnait instruction à son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, de réanimer le secteur de l’agriculture et celui du tourisme. Six mois après, le ministère du Tourisme devient un département rattaché au ministère de l’Environnement dans le cadre d’un remaniement », relate-t-il. Au cours de ces dernières années, le budget alloué à ce département ministériel a été également revu à la baisse, selon lui.
La faute aux hydrocarbures
De 4 289 735 000 dinars en 2012, le budget du département est passé à 3 157 141 000 dinars dans le cadre de la loi de finances pour 2018. « Les décideurs négligent ce secteur depuis trente ans », avance Said Boukhelifa. Comment explique-t-il ce paradoxe dans un pays aux potentialités incontestables ? « Les hydrocarbures », répond-il. « On pense pouvoir relancer le tourisme quand on en aura besoin. Sauf qu’une destination touristique se construit ou se reconstruit dans la durée et pas avec une baguette magique. Résultat : l’Algérie est pratiquement inexistante sur la carte touristique mondiale aujourd’hui », explique l’expert en tourisme. En attendant un électrochoc, de nombreux problèmes continuent à ronger le secteur.
Un déficit de promotion et des difficultés à obtenir un visa
Confrontée à une forte concurrence dans le bassin méditerranéen, l’Algérie souffre d’un véritable problème de promotion. Pour se renseigner sur la destination, les étrangers désirant visiter le pays ont le choix entre les pages Facebook de certains opérateurs et les sites de certaines institutions publiques, dont celui du ministère du Tourisme décliné en deux langues seulement, arabe et français. « Le site du ministère du Tourisme est frappé par une indigence, celui de l’Office national algérien de tourisme (Onat), la même chose. Nos sites, nos portails, sont très loin par rapport à la concurrence dans le bassin méditerranéen. Le site de la Tunisie est en quatre langues. Visit marocco est décliné en onze langues », note Said Boukhelifa.