• 29 octobre 2018
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Les premières «  Journées nationales du commerce équitable  » à Abidjan ont permis de mesurer tout le travail à faire auprès des agriculteurs et des consommateurs en la matière.

 

Pour la première fois, le champion mondial du cacao et de la noix de cajou a accueilli un événement dédié au commerce équitable. Un domaine qui «  dispose d’un fort potentiel en Côte d’Ivoire  », estime Franck Koman, coordinateur du Réseau ivoirien du commerce équitable (Rice) et organisateur de la manifestation qui s’est tenue jeudi et vendredi. Les ventes de cacao équitable ont en effet doublé en un an, passant de 80 000 à 150 000 tonnes de 2016 à 2017, selon le Rice. Mais cela ne représente encore que 7,5 % de la production nationale de 2 millions de tonnes, soit 40 % du marché mondial. Près de 200 coopératives, rassemblant plus de 120 000 producteurs, sont tout de même aujourd’hui certifiées commerce équitable en Côte d’Ivoire, contre une seule en 2004, selon le Rice, qui a été créé en 2009.

D’autres produits agricoles équitables «  connaissent une bonne dynamique de croissance  », comme l’anacarde (noix de cajou), la banane, la noix de coco, la mangue et le miel. Mais ces produits restent marginaux par rapport au cacao, qui représente 95 % des ventes, explique à l’AFP Franck Koman. «  La Côte d’Ivoire est partie en retard par rapport à d’autres pays de la région comme le Burkina Faso et le Ghana  », explique Joël Bagbila, responsable Afrique de Fair for Life (Équitable pour la vie), un organisme de certification. «  Elle est actuellement en plein essor au niveau des ventes, mais toujours en retard sur la structuration des filières et la certification des producteurs.  »

Opération séduction auprès des consommateurs locaux

Mais si les pays riches d’Europe et d’Amérique du Nord se sont entichés depuis longtemps des produits labellisés équitables, le marché local reste peu développé. «  La moitié de la production agricole équitable n’est pas vendue  », faute de consommateurs locaux et à cause de problèmes logistiques, comme le mauvais état des routes, déplore Franck Koman. Pour lui, «  il y a un gros effort à faire en communication pour sensibiliser les acheteurs locaux  ». D’où l’intérêt de ces premières Journées, destinées à faire connaître les bénéfices de l’équitable aussi bien aux agriculteurs qu’aux consommateurs et aux autorités, afin que celles-ci s’impliquent davantage dans sa promotion.

«  La consommation locale est quasi nulle, confirme Joël Bagbila. “Ici, les gens ne se préoccupent pas vraiment de la qualité, mais plutôt du prix.” Il faut viser d’abord des marchés de niche locaux en attendant de toucher le grand public. Car il y a des consommateurs qui ont des moyens et qui veulent de la qualité, mais ne savent pas où en trouver. Au Burkina Faso, la mangue bio est très demandée, mais on ne sait pas où en acheter  », explique-t-il.

Les coopératives agricoles ivoiriennes se lancent aussi dans la vente de produits transformés, qui offrent davantage de valeur ajoutée. Sur le stand de la coopérative Scinpa, on trouvait ainsi toute une gamme de produits cosmétiques à base de cacao : savons, shampoings, masques de beauté pour le visage et pour les cheveux. La production de chocolat, un produit à forte valeur ajoutée, se développe aussi timidement depuis cinq ans, alors que la Côte d’Ivoire n’a exporté pendant des décennies que du cacao brut. «  Il y a engouement pour le chocolat en Côte d’Ivoire  », assure à l’AFP Paul Bassogo, artisan chocolatier, qui préside l’association des professionnels du secteur. «  Mais le produit est mal connu et reste cher pour les gens, il faut le démocratiser.  »

L’environnement, l’autre enjeu

Outre l’intérêt commercial et éthique de l’équitable – qui permet de mieux rémunérer les petits producteurs, de faire cesser le travail des enfants et de les scolariser –, l’autre enjeu est la préservation de l’environnement. Une question sensible en Côte d’Ivoire, qui a perdu près de 90 % de ses forêts en 50 ans, à cause de l’impact combiné de la hausse de la population, de 3 à 25 millions de personnes, et du développement de l’agriculture.

La perte des forêts a entraîné un changement climatique, avec «  une saison des pluies courte, irrégulière, et une saison sèche plus longue  », s’alarme le Rice. Une évolution négative renforcée par le changement climatique à l’échelle mondiale qui impacte particulièrement les pays tropicaux comme la Côte d’Ivoire, selon un rapport récent de la Banque mondiale.

Pour le Rice, «  l’agriculture se trouve aujourd’hui à un tournant décisif : elle doit continuer à produire plus, pour nourrir un nombre croissant de personnes, mais aussi à produire mieux, pour préserver la biodiversité, les ressources naturelles et la santé des agriculteurs et des consommateurs  ».